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15 octobre 2013

Edito : Alzheimer : comment réduire de moitié, en une génération, l'incidence de cette maladie !

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Le 21 septembre dernier a eu lieu la journée mondiale consacrée à la maladie d’Alzheimer. A cette occasion, le grand public a pu, à nouveau, découvrir à travers la couverture médiatique, l’ampleur médicale, sociale et économique du défi que représente pour nos sociétés vieillissantes cette redoutable maladie neurodégénérative.

On estime aujourd’hui que 35 millions de personnes sont déjà atteintes de la maladie d'Alzheimer, et ce chiffre devrait être de 65 millions en 2030 pour atteindre 115 millions en 2050.

Au niveau mondial, le coût collectif global de la maladie d’Alzheimer a été estimé à 604 milliards de dollars (446 milliards d'euros) en 2010 ; soit plus de 1 % du produit mondial brut et on s’attend à ce qu’il atteigne 1 117 milliards de dollars (825 milliards d’euros) d'ici à 2030.

En France, on estime qu’environ 860 000 personnes sont atteintes par la maladie d’Alzheimer, ce qui représente déjà 8 % des plus de 65 ans et un octogénaire sur six.. Mais avec 225 000 nouveaux malades chaque année, le cap des 1 400 000 malades pourrait être atteint en 2030. Il faut également rappeler que l’âge moyen des patients, qui sont pour les deux tiers des femmes, est de 82 ans et il qu’il s’écoule en moyenne deux ans entre la découverte des premiers symptômes et l’établissement du diagnostic.

Quant au coût de cette pathologie neurodégénérative pour la collectivité, il est passé de 5 à 7 milliards au cours des six dernières années et pourrait atteindre, selon les dernières prévisions, 20 milliards à l’horizon 2020.

En dépit d’une recherche scientifique et médicale particulièrement active dans tous les pays développés, les causes exactes de la maladie d’Alzheimer ne sont pas encore clairement établies, même si la communauté scientifique internationale s’accorde sur le fait que cette pathologie résulte à la fois de facteurs génétiques, biologiques, environnementaux et sociaux.

Actuellement, il n’existe en France que quatre médicaments sur le marché pour lutter contre cette maladie. Mais ces molécules, qui appartiennent toutes à deux familles (les antiglutamates et les anticholinestérasiques), ne guérissent en aucun cas cette maladie et ne peuvent, dans le meilleur des cas, qu’en ralentir légèrement la progression.

Fin 2011, la Haute autorité de santé a d’ailleurs publié un rapport édifiant à ce sujet et après avoir procédé à une analyse complète des effets de ces différents médicaments, tant en France que dans d’autres pays développés, elle en a conclu à un "faible intérêt" médical des traitements disponibles pour une grande majorité de patients et a recommandé une plus grande limitation de leur prescription.

Cette impuissance thérapeutique vient d’être confirmée par le professeur Philippe Amouyel, ancien directeur de l'Institut Pasteur de Lille, qui confirme que "les traitements sur le marché ne permettent pas de guérir les patients, seulement d'atténuer certains de leurs symptômes, et avec des effets secondaires importants touchant plus du quart des patients ".

Les conséquences de cette évaluation scientifique et médicale ne se sont pas fait attendre et les ventes des quatre médicaments disponibles en France ont chuté de 25 % depuis trois ans.

Mais en dépit de cette situation et d’un grand nombre d’espoirs déçus sur le plan thérapeutique au cours de ces dernières années, la recherche mondiale poursuit ses efforts tous azimuts pour tenter d’élucider les mécanismes génétiques et biologiques fondamentaux de cette maladie extrêmement complexe et pour proposer aux malades de nouveaux traitements plus efficaces.

Le laboratoire pharmaceutique américain Eli Lilly a ainsi annoncé en juillet 2013 qu’il allait poursuivre les essais de son médicament, le solanezumab (un anticorps monoclonal). L’efficacité de ce nouveau médicament a été démontrée par des essais cliniques réalisés sur 2050 patients, pour les malades au premier stade de cette pathologie

Par ailleurs, des recherches de l’Institut médical de recherches de Sanford-Burnham (basé à Orlando, en Floride) et dirigé par le Docteur Stuart, ont permis de développer, après 10 ans de recherche, une nouvelle combinaison thérapeutique, appelé NitroMemantine et associant la mémantine et la nitroglycérine, qui semble pouvoir freiner la destruction des connexions entre les neurones, restaurer les liaisons synaptiques et ralentir sensiblement le déclin qui en résulte.

Autre piste thérapeutique très intéressante (Voir Columns), l’utilisation d’un antihypertenseur, appelé Cadésartan. Selon de récents travaux de l’Inserm, ce médicament pourrait favoriser l’angiogenèse (c’est-à-dire la création de nouveaux vaisseaux sanguins) dans le cerveau et accélérer la création de nouveaux neurones, en stimulant de manière inattendue la production de la protéine impliquée dans ce processus, la BDNF (facteur neurotrophique issu du cerveau en français).

Sur le front de la recherche fondamentale, la recherche progresse également, même si cette maladie complexe multifactorielle est loin d’avoir livré tous ses secrets.

De récentes recherches américaines, réalisées par des chercheurs de l’Université de Stanford, ont montré le rôle-clé du récepteur LilrB2 (leukocyte immunoglobulin-like receptor B2), déjà connu pour son rôle dans le fonctionnement du système immunitaire.

Des expérimentations chez l’animal ont pu montrer que cette protéine semble fortement impliquée dans la perte de plasticité du cortex visuel, qui constitue l’un des symptômes précoces typiques de la maladie d’Alzheimer.

Selon ces travaux, il semble que ce récepteur soit capable de fixer les oligomères de peptides β-amyloïdes solubles, ce qui provoque l’activation d’une autre protéine : la cofiline. Or la colifine, lorsqu’elle est surexprimée dans le cerveau, entraîne à son tour une altération des neurones et une destruction des dendrites.

Ces recherches très fondamentales confirment l’hypothèse d’une altération cellulaire provoquée par les peptides β-amyloïdes. Ces travaux ouvrent également la perspective de pouvoir bloquer la voie de signalisation impliquée dans la synthèse de ces protéines pour éviter l’aggravation de la maladie d’Alzheimer et même pour restaurer les fonctions cognitives altérées (Voir Science).

Une autre équipe de recherche canadienne de l'hôpital neurologique et l'université McGill de Montréal, a par ailleurs montré il y a quelques semaines qu'il était possible de restaurer la mémoire et de récupérer la fonction vasculaire cérébrale de souris atteintes de la maladie d'Alzheimer en bloquant l'activité de récepteurs spécifiques du cerveau appelés bradykinine de type B1 (B1R) et qui semblent fortement impliqués dans le processus inflammatoire.

Ces travaux confirment de manière remarquable que le facteur vasculaire joue bien un rôle très important dans le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Ces recherches ont également montré qu’en bloquant ce récepteur B1R, on pouvait diminuer de moitié le niveau de concentration de peptides nocifs associés à la formation de plaques de protéine bêta-amyloïde, un symptôme caractéristique de la maladie d'Alzheimer.

Mais la recherche progresse également en direction d’une meilleure détection et un diagnostic plus sûr et plus précoce de cette terrible maladie. En effet, jusqu’à présent, faute de marqueurs sanguins fiables, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer reste lourd et complexe, combinant les examens d’imagerie médicale et les analyses du liquide céphalo-rachidien et la plupart des malades restent diagnostiqués trop tardivement, ce qui rend inefficace la quasi-totalité des traitements disponibles alors que ces derniers pourraient peut-être permettre de ralentir sensiblement la maladie s’ils étaient administrés plus précocement.

Mais sur ce front, les choses sont peut-être en train de changer. Il y a quelques semaines, des scientifiques allemands de l’Université de la Sarre ont annoncé avoir identifié, dans le sang des malades d’Alzheimer, un ensemble spécifique tout à fait caractéristique de protéines qui semblent constituer une véritable "signature" de cette maladie.

La méthode des chercheurs allemands repose sur la détection des micro-ARN qui circulent dans le sang et ces travaux ont montré que, sur plus d’une centaine de microARN analysés, on retrouvait presque toujours les 12 mêmes microARN altérés chez les malades d’Alzheimer. Cette nouvelle méthode très novatrice a fait l’objet d’essais cliniques chez plus de 200 patients et a permis de diagnostiquer les malades d’Alzheimer avec un taux d’exactitude de 93 %.

D’autres chercheurs japonais, de l'Institut national des sciences radiologiques de Chiba, ont, pour leur part, annoncé il y a quelques semaines qu’ils étaient parvenus à utiliser la tomographie par émission de positon pour construire une image en 3D de la protéine tau dans le cerveau. En combinant cette technique avec l’utilisation d’une molécule particulière qui possède la propriété de se lier à la protéine tau, ces scientifiques ont pu détecter de manière très fiable l'accumulation dans le cerveau de cette protéine tau qui constitue l’une des signatures de la maladie d'Alzheimer.

Cette nouvelle technologie pourrait permettre de diagnostiquer de manière sûre, efficace et rapide la maladie mais également d’évaluer l’efficacité thérapeutique des différents médicaments utilisés.

Il faut également évoquer la piste thérapeutique de l’immunothérapie et du vaccin contre cette maladie neurodégénérative. Début 2013, des chercheurs québécois, dirigés par Serge Rivest, ont annoncé qu’ils avaient obtenu des résultats intéressants grâce à un nouveau type de vaccin qui stimule le système immunitaire et dope les cellules microgliales afin qu’elles soient en mesure d’éliminer les plaques de bêta amyloïde. Expérimenté sur la souris, ce nouveau vaccin a permis, après trois mois d’utilisation, d’éliminer 80 % de ces plaques et d’améliorer sensiblement les fonctions cognitives des animaux testés.

En France, des chercheurs de l’Inserm ont présenté début 2012 des résultats également très encourageants concernant l’efficacité thérapeutique d’un vaccin qui stimule le système immunitaire et permet d’éliminer la protéine tau, présente dans 80 % des cas de démence. Néanmoins, Luc Buée qui a dirigé ces recherches souligne que ce type de vaccin ne constituera pas la panacée contre la maladie mais pourrait en revanche s’avérer très efficace en association avec d’autres traitements.

Pour bien comprendre les enjeux humains, économiques et sociaux de la maladie d’Alzheimer, il est également important d’évoquer la dimension épidémiologique de cette pathologie et dans ce domaine les choses sont moins simples qu’il n’y paraît, comme le montrent deux études récentes aux conclusions contradictoires.

La première étude, publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, montre qu’entre 2007 et 2010, le nombre de patients en affection de longue durée pour la maladie d’Alzheimer a augmenté de 14,6 %. Quant au nombre de décès de ces malades, il a progressé de 14 %.

Ces travaux montrent par ailleurs que la maladie d’Alzheimer et l’ensemble des démences séniles constituent à présent en France la quatrième cause de décès, derrière les cancers, les pathologies cardio-vasculaires et les accidents.

Toujours selon cette étude, entre 2007 et 2010, la part des décès liés à l’ensemble des démences séniles par rapport à l’ensemble des décès toutes causes survenus chez les personnes de 65 ans et plus est passé de 11,5 à 12,6 %. Cette progression sensible des décès directement liés aux démences séniles (dont la maladie d’Alzheimer) serait, selon ces travaux la conséquence directe du vieillissement accéléré de notre population.

Mais au même moment a été publiée une étude épidémiologique britannique qui éclairé d’une manière très différente les perspectives d’évolution de la maladie d’Alzheimer (Voir étude). Selon ces recherches, le pourcentage des personnes de plus de 65 ans atteintes de la maladie d'Alzheimer au Royaume-Uni aurait baissé de près de 25 % en l'espace de 20 ans, passant de 8,3 % à 6,5 %.

Les chercheurs, dirigés par le Docteur Carol Brayne de l'Institut de santé publique de Cambridge, ont comparé deux groupes d’environ 7.000 personnes tirées au sort dans les mêmes régions d'Angleterre et du Pays de Galles, le premier au début des années 1990 et le second entre 2008 et 2011.

Ce travail montre qu’en extrapolant ces résultats à l’ensemble de la population britannique, on peut évaluer à 664 000 le nombre de personnes qui étaient atteintes en 1991 de la maladie d’Alzheimer en Grande-Bretagne. Mais les chercheurs soulignent que si l’on prend en considération l’accélération sensible du vieillissement général de la population anglaise entre 1991 et 2011, le nombre total de malades atteints par la maladie d’Alzheimer aurait au moins dû s’élever à 884 000 en 2011.

Poursuivant leur analyse sur une base épidémiologique et scientifique très rigoureuse, les chercheurs ont calculé que le nombre total de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer n’était que de 670 000 en 2011, ce qui représente 214 000 malades de moins que prévu !

L’étude britannique montre également de manière très intéressante que cette diminution de 24 % de la fréquence des démences à âge égal est observée dans toutes les tranches d’âge et aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

À titre d’exemple, cette fréquence est passée, chez les hommes de 80 à 84 ans, de 14,6 % en 1991 à 10,6 % en 2011. Pour les femmes de cette même tranche d’âge, cette fréquence est passée de 13,9 % à 9,5 %.

Cette étude remarquable montre donc clairement, pour la première fois à notre connaissance, que certains facteurs, qui auraient dû augmenter le nombre de malades d’Alzheimer ont finalement eu un impact sensiblement moins important que les facteurs, sans doute largement sous-estimés, contribuant à la diminution de cette pathologie, tels que l’exercice physique, la stimulation intellectuelle ou encore le traitement de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires.

Il faut noter que ces recherches vont dans le sens des conclusions d’une étude danoise montrant que les personnes âgées de plus de 90 ans auraient un niveau de performances cognitives sensiblement plus élevé que celles de la même tranche d’âge il y a 10 ans.

Cette étude britannique semble montrer à tout le moins que l’évolution du mode de vie des seniors au cours de ces 20 dernières années, et notamment une meilleure prévention cardio-vasculaire, des changements dans les habitudes alimentaires et la pratique accrue d’un exercice physique régulier, ont eu un impact bien plus important que prévu et cela en dépit du vieillissement général de la population, sur la prévention des démences séniles et de la maladie d’Alzheimer.

En 2005, des chercheurs de l'Inserm avaient déjà montré, en réalisant une étude en double aveugle sur 192 patients suivis pendant plusieurs années, que les patients bénéficiant d’un traitement régulier contre l’hypertension divisaient par deux leurs risques d’Alzheimer et que le volume des nouvelles lésions liées à cette pathologie était cinq fois moins important parmi les sujets sous antihypertenseur.

Cette récente étude épidémiologique britannique semble donc confirmer, à l’échelle de toute une population, que l’amélioration sensible de la prise en charge de l’hypertension depuis 20 ans, pourrait être l’un des facteurs qui expliquent pourquoi, en dépit du vieillissement généralisé, le nombre de nouveaux malades d’Alzheimer a augmenté beaucoup moins vite que les prévisions.

Il faut par ailleurs souligner que plusieurs études scientifiques ont montré que l’adoption d’un régime alimentaire de type méditerranéen, à base de fruits et de légumes frais en privilégiant certains acides gras et en maintenant un rapport optimal entre le « bon » et le « mauvais » cholestérol exerce un puissant effet protecteur sur les neurones en empêchant le déclenchement de la maladie d'Alzheimer ou du moins en ralentissant sa progression.

L’exercice physique joue aussi un rôle majeur dans la protection du cerveau contre la dégénérescence sénile et dans la prévention de la maladie d’Alzheimer, comme le montrent plusieurs études récentes et concordantes. Une étude américaine réalisée en 2000 sur 716 personnes ayant 82 ans, en moyenne, a ainsi montré que le risque d’Alzheimer variait du simple au double entre les sujets qui faisaient très peu d’exercice physique et ceux qui pratiquaient un exercice physique soutenu et régulier.

Enfin, une étude publiée en juillet 2013 par l’Inserm sur 429 000 personnes, a montré qu’en moyenne, chaque année supplémentaire travaillée après l'âge de 60 ans diminuait de 3 % le risque d'être atteint de la maladie d'Alzheimer. Concrètement, cela signifie que les personnes qui choisissent de continuer à travailler pendant une dizaine d’années après l’âge légal de la retraite, peuvent espérer réduire d’environ un tiers leurs risques de maladie d’Alzheimer.

L’ensemble de ces découvertes épidémiologiques récentes doit nous interroger et nous inciter à sortir du strict cadre scientifique et médical pour relever les immenses défis que représente la maladie d’Alzheimer dans notre pays dont la population vieillit inexorablement.

Il est en effet à présent démontré de manière rigoureuse qu’indépendamment des facteurs de risque intrinsèques, liées au vieillissement ou à la génétique, il est possible de réduire de manière tout à fait considérable le risque de démence sénile et de maladie d’Alzheimer en adoptant quelques règles de vie simples : prévenir l’hypertension et le cholestérol dès 50 ans, adopter une alimentation de type méditerranéen, pratiquer un exercice physique régulier et entretenir des activités intellectuelles et sociales intenses.

Si tous nos concitoyens se décidaient à adopter l’ensemble de ces règles de prévention active, il est très probable que nous pourrions, sur la durée d’une génération, réduire de moitié, malgré le vieillissement de notre population, l’incidence de cette maladie si invalidante.

A la lumière de ces nouvelles connaissances, les pouvoirs publics, en étroite coopération avec le corps médical et la communauté scientifique, doivent changer en profondeur leur approche de cette maladie et mettre en œuvre une véritable politique de prévention globale, bien plus ambitieuse que les quelques mesures appliquées jusqu’à présent.

Quels que soient les progrès de la science et de la médecine, c’est seulement à cette condition qui nécessite une véritable prise de conscience collective et une volonté politique sans faille, que nous parviendrons à combattre et à faire régresser cette terrible menace qui pèse sur notre société.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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